Comprendre et soulager la douleur au genou : exercices thérapeutiques au poids du corps
- Grégory Sédat

 - 7 oct.
 - 4 min de lecture
 
La douleur au genou constitue l’un des motifs de consultation les plus fréquents en rhumatologie, en médecine générale ainsi qu’en rééducation fonctionnelle. Elle peut résulter d’une atteinte aiguë (traumatique) ou chronique (dégénérative ou posturale), et affecter considérablement la qualité de vie, en particulier lorsqu’elle interfère avec la marche, la montée d’escaliers ou toute activité sollicitant la chaîne musculo-articulaire inférieure. Une approche thérapeutique conservatrice, centrée sur le renforcement musculaire via des exercices au poids du corps, demeure une stratégie de première intention largement validée par la littérature scientifique.
1. Étiopathogénie de la douleur au genou : comprendre les mécanismes biomécaniques et inflammatoires
La douleur au genou, ou gonalgie, peut être provoquée par un large éventail de pathologies, incluant les atteintes ostéoarticulaires (arthrose fémoro-tibiale ou fémoro-patellaire), les tendinopathies (tendinopathie rotulienne, syndrome de l’essuie-glace), les lésions méniscales, ainsi que les troubles d’alignement (genu valgum, varum ou recurvatum). D’un point de vue physiopathologique, cette douleur peut être d’origine mécanique (liée à la surcharge ou à la décompensation d’un schéma moteur pathologique), inflammatoire (présence d’un épanchement synovial, arthrite), ou neuropathique (compression ou sensibilisation périphérique). Le déficit de stabilité dynamique, souvent causé par une faiblesse des muscles stabilisateurs du bassin et du quadriceps fémoral, notamment le vaste médial oblique, entraîne une mauvaise répartition des forces de compression sur le cartilage articulaire, aggravant les lésions préexistantes. Ainsi, un renforcement ciblé du système musculo-tendineux périarticulaire est indispensable pour rompre le cercle vicieux de la douleur, de la raideur et de la désadaptation fonctionnelle.
2. Squat contrôlé en amplitude partielle : stratégie de renforcement du quadriceps sans exacerbation de la douleur au genou
Le demi-squat, ou squat à amplitude limitée (environ 30 à 45° de flexion), constitue l’un des piliers de la rééducation fonctionnelle du genou douloureux. Il permet de recruter efficacement le quadriceps — principal extenseur du genou — tout en minimisant la contrainte fémoro-patellaire. L’exercice doit être exécuté en position debout, pieds écartés à largeur bi-iliacienne, avec un engagement volontaire du transverse de l’abdomen afin de stabiliser le rachis lombo-pelvien. Lors de la descente, il est crucial de maintenir l’alignement dynamique entre la hanche, le genou et le deuxième orteil, afin d’éviter une chute en valgus du genou (facteur aggravant du stress rotulien). La phase excentrique (descente contrôlée) joue un rôle fondamental dans la stimulation de l’unité myotendineuse et favorise la résilience du genou face aux charges fonctionnelles. Ce type de travail est fondé sur les principes de la charge progressive en absence de douleur aggravée, ce qui permet une adaptation neuromusculaire sans hypersensibilisation locale.
3. Pont fessier (glute bridge) : activation de la chaîne postérieure pour réduire la douleur au genou par compensation proximale
Le glute bridge, ou pont fessier, est un exercice de gainage actif mettant en jeu principalement les muscles grand fessier et ischio-jambiers, tout en mobilisant le tronc et les muscles spinaux dans une logique d'intégration segmentaire. Dans le contexte de la douleur au genou, son intérêt thérapeutique repose sur la capacité à renforcer la chaîne postérieure et à restaurer la balance agoniste/antagoniste entre les groupes musculaires antérieurs (quadriceps) et postérieurs. Le patient, en décubitus dorsal, genoux fléchis à 90°, élève les hanches jusqu’à obtenir un alignement scapulo-fémoral, en contractant les muscles glutéaux sans compenser avec la région lombaire. Cette activation réduit l’antéversion pelvienne pathologique, améliore la stabilité lombo-pelvienne et diminue la transmission excessive de forces de cisaillement vers le compartiment antérieur du genou. Dans une perspective globale de prévention de la surcharge articulaire, cet exercice joue un rôle pivot dans la redistribution des contraintes biomécaniques lors de la locomotion et des activités fonctionnelles.
4. Extension active de genou en chaîne cinétique ouverte : recruter le quadriceps sans aggraver la douleur au genou
Cet exercice, souvent prescrit en phase initiale de rééducation après chirurgie ou lors de douleurs rotuliennes antérieures, permet de solliciter le quadriceps en isolement relatif, en minimisant l’engagement articulaire. Il consiste à étendre la jambe depuis une position assise, tout en contrôlant la trajectoire de mouvement, afin d’éviter les microtraumatismes sur la trochlée fémorale. Il est recommandé d’utiliser une co-contraction volontaire du tronc et du triceps sural pour stabiliser l’ensemble du membre inférieur pendant le mouvement. Bien que réalisé en chaîne cinétique ouverte (donc avec un risque potentiel de stress accru sur la rotule), l’utilisation d’amplitudes réduites et d’un tempo lent (excentrique majoritaire) limite considérablement la symptomatologie douloureuse. Dans le cas de douleur au genou antérieure (syndrome rotulien, chondromalacie), cet exercice contribue à améliorer le centrage patellaire et à optimiser le recrutement neuromusculaire du vaste médial, souvent déficitaire.
5. Travail proprioceptif et neuromusculaire en appui unipodal : prévenir la récidive de la douleur au genou par la stabilisation fonctionnelle
Les exercices proprioceptifs, en particulier en appui monopodal, représentent une composante essentielle dans la prévention secondaire des gonalgies. En sollicitant les mécanorécepteurs articulaires, tendineux et ligamentaires, ils améliorent la stabilité réflexe et la coordination intermusculaire. L’exercice de base consiste à maintenir un équilibre sur une jambe, en sollicitant les muscles de la hanche (notamment le moyen fessier, stabilisateur frontal du bassin) et ceux de la jambe (fibulaires, tibial postérieur). L’ajout de variables perturbatrices (surface instable, fermeture des yeux, mouvements contraignants des bras) permet de stimuler l’intégration sensorimotrice. Dans les pathologies comme le syndrome fémoro-patellaire ou les instabilités rotuliennes, ce type de travail diminue l’incidence des microtraumatismes répétés et renforce les boucles de rétrocontrôle neuromusculaire. Il s’agit là d’un axe de traitement essentiel pour les patients souffrant de douleur au genou liée à des déficiences fonctionnelles plus globales (désalignement postural, chute de l’arche plantaire, faiblesse des muscles abdominaux profonds).
Conclusion clinique :Le traitement conservateur de la douleur au genou, notamment lorsqu’il s’agit de douleurs mécaniques non inflammatoires, repose fondamentalement sur la rééducation active. L’intégration d’exercices ciblés, réalisés au poids du corps, constitue une approche fondée sur l’évidence scientifique, permettant de restaurer la biomécanique articulaire, de renforcer les structures musculaires déficientes et d’améliorer la qualité de vie des patients. Il est néanmoins essentiel d’adapter chaque protocole aux caractéristiques cliniques du sujet, et d’effectuer un suivi rigoureux, en collaboration avec un professionnel de santé qualifié.



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